« C’est au Père que nous devons notre création, au Fils notre rédemption, à l’Esprit Saint notre sanctification. »
Gratias tibi, Deus, gratias tibi, vera et una Trinitas, una et summa Deitas, sancta et una Unitas. [Ant. ad Magn.]
La sainte Église célèbre aujourd’hui avec une solennité particulière l’un des principaux mystères de la Foi Catholique : la Très Sainte Trinité, l’unique vrai Dieu en trois Personnes égales et distinctes, Père, Fils et Esprit Saint. Le Mystère – dans le sens grec du terme μυστήριον – est ce que l’esprit humain ne peut connaître que par une Révélation divine. En accueillant cette Révélation, l’homme accepte humblement son propre état de créature ayant besoin d’une aide surnaturelle et gratuite, qui va au-delà de la connaissance rationnelle d’un Dieu unique qui récompense les justes et punit les méchants. En effet, chaque personne porte en elle l’empreinte du Créateur qui lui montre les principes moraux de la Loi naturelle ; tandis que la connaissance des Mystères divins, tels que la Très Sainte Trinité et l’Incarnation, n’est possible que grâce à la Foi en ce que l’autorité du Dieu qui se révèle nous propose de croire à travers le Magistère de l’Église.
Ce point de vue implique deux vérités.
La première, c’est qu’il est théoriquement possible pour l’homme corrompu par le péché originel d’être sauvé – lorsqu’il est totalement ignorant de l’Évangile – en se comportant droitement et en suivant la lumière de la droite raison. La seconde, c’est que ce n’est que dans l’unique véritable Église du Christ, Catholique, Apostolique et Romaine, seule gardienne de la Révélation divine et dépositaire des moyens de la Grâce sanctifiante, que l’homme pécheur, purifié par le Baptême, dispose des instruments ordinaires qui lui permettent de fait de se sauver, professant la Foi Catholique que Notre-Seigneur a enseignée aux Apôtres et que la Sainte Église nous propose infailliblement de croire.
Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi, a dit le Seigneur (Jn 14, 6). Si nous croyons que Jésus-Christ est le Fils unique du Père, qu’Il S’est incarné pour nous, les hommes et pour notre salut, qu’Il a souffert et est mort pour nous, qu’Il est ressuscité et qu’Il est assis à la droite du Père ; et si nous conformons notre conduite de vie à Sa sainte Loi et à ce que Notre-Seigneur nous a commandé, nous serons sauvés. Et pour le croire, nous devons aussi croire en la Très Sainte Trinité, qu’Il nous a fait connaître et dont nous portons, en tant que Ses créatures, l’empreinte indélébile. C’est en effet la dimension trinitaire de notre nature humaine qui nous rend vraiment à l’image et à la ressemblance de Dieu, du Dieu Un et Trine. Nos facultés se réfèrent aux divins attributs : la mémoire au Père, l’intellect au Fils, la volonté à l’Esprit Saint.
Ceux qui croient que le Mystère de la Très Sainte Trinité est l’affaire des théologiens et que l’homme ordinaire peut l’ignorer, commettent une erreur impardonnable, tout d’abord parce qu’ils remettent en question cette merveilleuse pédagogie que le Seigneur a voulu adopter avec nous, en nous faisant participer non seulement à la connaissance des Trois Personnes divines, mais aussi à leur nature divine, au moment où, avec son Incarnation, Notre-Seigneur a assumé la nature humaine. Une belle prière de l’Offertoire, composée par saint Léon le Grand, récite :
Deus, qui humanæ substantiæ dignitatem mirabiliter condidisti et mirabilius reformasti, da nobis, per hujus aquæ et vini mysterium, ejus divinitatis esse consortes, qui humanitatis nostræ fieri dignatus est particeps, Jesus Christus, Filius tuus, Dominus noster.
Ô Dieu, qui avez créé d’une manière merveilleuse la noble nature de l’homme et l’avez réformée encore plus merveilleusement, accordez, par le mystère de cette eau et de ce vin, d’être unis à la divinité de Celui qui a daigné assumer notre humanité, Jésus-Christ, votre Fils, notre Seigneur.
Si nous ne professons pas notre foi en la Très Sainte Trinité, nous ne pouvons pas comprendre la raison qui rend notre Religion Catholique unique et vraiment divine, non seulement crédible, mais à croire (credenda) : le miracle inouï de l’Incarnation du Fils Unique du Père, avec la coopération de l’Esprit Saint, pour nous racheter et nous arracher de la mort éternelle que nous avons méritée en Adam par notre faute. Et notre vie est toujours trinitaire : c’est au Père que nous devons notre création, au Fils notre rédemption, à l’Esprit Saint notre sanctification.
Cela nous conduit à une vision théocentrique – en fait, plus proprement christocentrique – du κόσμος divin, de l’ordre de toutes choses, qui trouvent leur commencement et leur fin dans le Christ, selon les paroles de l’Apôtre : Instaurare omnia in Christo (Ep 1, 10). Parce que c’est en vertu de l’union hypostatique que l’Homme-Dieu, le nouvel Adam, rétablit cet ordre qu’Adam avait violé. Un ordre divin qui est fondé sur Dieu, Vérité et Charité, qui nous conduit aussi à croire et à aimer, veritatem facientes in caritate (Ep 4, 15).
Mais qui s’oppose, chers frères, à cette vision ordonnée et très parfaite, qui reflète les perfections de la Très Sainte Trinité, si ce n’est celui qui est menteur et meurtrier dès le commencement (Jn 8, 44) ?
Satan n’est pas capable d’amour, mais seulement de haine ; il ne crée rien, il sait seulement détruire ; et sa haine n’est pas seulement dirigée contre Dieu, mais aussi contre nous, les hommes, parce que le Verbe éternel du Père a choisi de se faire chair, de se faire homme. Si, par conséquent, notre salut dépend de la Foi en la Très Sainte Trinité et en l’Incarnation, il est évident que Satan fera tout pour altérer la pureté de la Foi et essayer ainsi de frustrer l’œuvre de la Rédemption. Car celui qui croit sera sauvé, et celui qui ne croit pas sera condamné (Mc 16, 16). L’envie du Diable pour notre destin surnaturel, qui lui a été nié dans son orgueil, le conduit à se déchaîner précisément en nous faisant croire que nous pouvons nous sauver nous-mêmes sans croire en la Sainte Trinité et en l’Incarnation.
Le 13 septembre dernier, à l’occasion d’un voyage à Singapour, Jorge Bergoglio avait affirmé :
« toutes les religions sont un chemin pour atteindre Dieu. Elles sont – je fais une comparaison – comme des langues différentes, divers idiomes, pour y arriver. Mais Dieu est Dieu pour tout le monde. Et puisque Dieu est Dieu pour tous, nous sommes tous enfants de Dieu. « Mais mon Dieu est plus important que le tien ! » Est-ce vrai ? Il n’y a qu’un seul Dieu, et nous, nos religions sont des langues, des chemins pour atteindre Dieu. Certains sikhs, d’autres musulmans, d’autres hindous, d’autres chrétiens, mais ce sont des chemins différents. Compris ? »
Ces paroles blasphématoires nous horrifient à cause de leur matrice satanique intrinsèque. Elles subvertissent la réalité objective, la relativisent et l’adaptent à la façon dont celle-ci est perçue par l’individu. Les modernistes du XIXe siècle attribuaient la multiplicité des doctrines au « besoin de sacré » chez l’homme, et ce besoin immanent s’est d’abord traduit par l’œcuménisme envers les non-catholiques, puis s’est étendu aux fausses religions et aux superstitions idolâtres, et enfin a convergé vers le panthéisme, dans le Christ cosmique de Teilhard de Chardin, dans la Pachamama. La Révélation chrétienne, pour les modernistes, ne consiste pas dans l’action du Dieu vivant et vrai qui se fait connaître et se révèle dans ses mystères à l’homme, sa créature, mais dans la projection d’un « sentiment religieux » immanent, dans une chimère créée par l’homme – une idole, littéralement – et donc dépendante de sa culture, de l’environnement dans lequel il est né, des conditionnements extérieurs, de la société. Dans la vision catholique, l’homme, en tant que créature, s’incline devant la Majesté divine du Créateur qui Se manifeste et Se révèle ; dans le délire moderniste, au contraire, Dieu est une créature de l’homme, qui, en raison de son « infinie dignité », est libre de choisir les dieux à annexer à son propre panthéon. Et qu’est-ce que c’est, si ce n’est l’application de l’idéalisme hégélien dans le domaine théologique, selon lequel la réalité est le produit de la raison ou de l’esprit ? C’est sur cette base philosophique que se fonde tout l’édifice hérétique de l’œcuménisme de Vatican II, résumé par la vision syncrétiste de la Maison de la famille abrahamique à Abou Dhabi.
Une telle vision anthropocentrique et immanentiste de la religion est évidemment en contradiction ouverte avec le Credo catholique, qui se base au contraire sur l’action révélatrice de la Très Sainte Trinité à travers l’Incarnation de Notre Seigneur Jésus-Christ, avec la coopération de l’Esprit Saint. Notre sainte Religion n’est pas le fruit de spéculations farfelues, ni la projection d’un « besoin de sacré » auquel l’homme donne une réponse partielle et incomplète, « quelqu’un sikh, quelqu’un musulman, quelqu’un hindou, quelqu’un chrétien ». C’est plutôt l’ensemble des doctrines et des préceptes que Jésus-Christ – vrai Dieu et vrai homme – a enseignés aux Apôtres et leur a ordonné de transmettre intacts à tous les hommes, afin qu’ils soient sauvés de la damnation éternelle qu’ils ont mérité en péchant en Adam.
La société moderne, imprégnée de relativisme, est victime d’une grande supercherie diabolique. Elle ne croit pas qu’il existe une vérité objective, mais que chacun peut créer sa propre réalité virtuelle, qui est à la fois vraie et fausse. Que Dieu soit trinitaire ou non ; que la Deuxième Personne de la Sainte Trinité soit incarnée ou non n’est donc pas important, car pour les néo-modernistes, le but de la religion n’est pas de connaître, d’adorer, d’aimer et de servir Dieu, et de mériter la béatitude éternelle, mais d’avoir un concept commun et aussi générique que possible du divin qui serve la cause de la fraternité universelle, sans aucune perspective transcendante. C’est précisément ce que fait la Révolution : elle change la fin en un moyen et le moyen en une fin – c’est-à-dire : elle abaisse le Dieu vivant au rang d’idole parmi tant d’autres, ou alors elle érige une idole à la place du Dieu vivant. Autrement dit : nier la Vérité pour affirmer toute sorte d’erreurs ; ne pas reconnaître le Dieu trinitaire, pour pouvoir reconnaître toutes les idoles. Et c’est là une œuvre intrinsèquement diabolique.
Le pape Léon a choisi comme devise In illo uno unum, qui reprend ce passage de saint Augustin tiré de l’Exposition du Psaume 127 :
Vous êtes donc nombreux et vous êtes un. Nous sommes nombreux et nous sommes un. Comment sommes-nous un, alors que nous sommes plusieurs ? Parce que nous nous attachons à Celui dont nous sommes membres, et si notre Tête est dans le ciel là haut, les membres le suivront aussi.
Le Psaume 127 commence par ces mots : Beati omnes qui timent Dominum, qui ambulant in viis ejus. Heureux ceux qui craignent le Seigneur, qui marchent dans ses voies. C’est par rapport à ces paroles du Psalmiste qu’il faut lire et comprendre le commentaire du Saint Évêque d’Hippone. Non pas en persévérant sur le chemin de ce faux œcuménisme irénique qui fait taire la Vérité pour plaire à l’esprit du monde, mais en revenant au principe unique, ontologique de la réalité transcendante et indéfectible du Dieu Un et Trinitaire, en nous maintenant étroitement unis à Celui dont nous sommes membres, le Dieu-Homme, le Verbe fait chair, sans Qui il est impossible de venir au Père.
Que ce ne soit pas un simple souhait, mais l’espérance confiante de voir toutes choses enfin récapitulées dans le Christ, la gloire rendue à la Très Sainte Trinité, l’honneur à la Sainte Église et à la Papauté, le salut des âmes que le divin Pasteur a confié à son Vicaire sur la terre. Et qu’il en soit ainsi.
+ Carlo Maria Viganò, archevêque
15 juin MMXXV, Dominica I post Pentecosten, in festo Ss.mæ Trinitatis
© Traduction de F. de Villasmundo pour MPI relue et corrigée par Mgr Viganò
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