
L’Ukraine bombarde la Sibérie à 6 000 km, la Russie attaque Kiev avec des drones. Mais les négociations reprennent à Istanbul.
Dans la nuit du 31 mai au 1er juin, les forces ukrainiennes ont mené des frappes à longue portée contre deux bases aériennes militaires russes, utilisant des drones et, probablement, le soutien des services de renseignement intérieur. Certains parlent ouvertement d’un « Pearl Harbor » russe et d’autres minimisent l’événement.
Le raid de Kiev a eu un impact profond sur Moscou qui a pris conscience d’une certaine vulnérabilité
D’après les informations distillées par les médias, ces frappes ont causé d’importants dégâts aux infrastructures et aux véhicules militaires, dont plusieurs chasseurs-bombardiers Su-34, avec des dégâts à « plus de deux milliards de dollars ». Les bases touchées sont situées dans les régions russes de Voronej et de Belgorod, à des centaines de kilomètres de la ligne de front, confirmant la capacité croissante de l’Ukraine à mener la guerre bien au-delà de ses frontières. Mais la véritable portée de l’opération n’est apparue plus clairement que lundi : il s’agissait de l’opération d’envergure « Cobweb », orchestrée directement par le chef du SBU, Vasyl Malyuk, organisée pendant plus d’un an, et qui a impliqué l’ensemble du territoire russe jusqu’à la Sibérie, des réseaux de soutien, des informateurs locaux et des collaborateurs internes et non pas que des drones et de la technologie.
Un plan ingénieux qui impliquait le positionnement de centaines de drones pré-installés à bord de camions stationnés à proximité des bases russes les plus sensibles, qui ont été activés simultanément pour frapper les aéroports stratégiques d’Olenya et de Belaya, détruisant ou endommageant certains des atouts les plus précieux de l’aviation stratégique russe.
Le « Pearl Harbor » russe ?
Une célèbre chaîne russe Telegram pro-gouvernementale a ouvertement parlé d’un « Pearl Harbor russe », admettant que « de nombreux bombardiers stratégiques déployés aux aéroports d’Irkoutsk et de Mourmansk ont été détruits ou endommagés. Grâce aux images publiées par le SBU lui-même, 5 Tu-95MS (porte-missiles stratégiques), 2 Tu-22M3 (bombardiers à long rayon d’action) et 1 An-12 (avion de transport militaire) ont été gravement endommagés. Le chiffre de 41 bombardiers détruits, avancé par Kiev, semble donc infondé pour le moment. En réalité, les chiffres réels, sans être catastrophiques, restent alarmants : la perte confirmée de 7 appareils représente tout de même plus de 6,5 % de la flotte stratégique. Un coup dur donc mais selon un spécialiste « qualifier l’attaque de Pearl Harbor semble résolument exagéré par les médias, si l’on considère la « perte de capacité opérationnelle ».
Le blog Inside Over écrit que « l’attaque visait à annuler la réunion d’Istanbul prévue le 2 juin et à déclencher une réaction russe très virulente. En réalité, comme le titre Adnkronos, elle avait tout le potentiel d’un « Pearl Harbor de Poutine », où tout se serait écroulé même s’il est vrai qu’au-delà des proclamations ukrainiennes, il ne s’agissait que d’une « victoire psychologique », comme le titre le Washington Post, c’est-à-dire limitée ».
La réponse russe aux raids et le maintien des négociations à Istambul
Entre-temps, la rhétorique de la « réponse adéquate » a fait son retour, accompagnée de menaces plus ou moins voilées, incluant, une fois de plus, la possibilité d’une escalade nucléaire. Cependant malgré sa colère, Moscou a gardé une grande lucidité, et, tout en avertissant qu’elle réagirait de manière appropriée, elle a néanmoins envoyé, son équipe pour le deuxième cycle de négociations directes à Istanbul où un nouvel accord fut trouvé sur un échange de prisonniers et un éventuel cessez-le-feu de deux ou trois jours limité à certaines zones du front et, surtout, un échange de mémorandums eut lieu dans lesquels les prétendants exposaient les conditions de fin de la guerre. Conditions évidemment très divergentes.
Toujours selon Inside Over, « si Moscou a continué à poursuivre la voie des négociations, c’est parce qu’il a reçu des assurances de l’administration Trump », ce dernier n’ayant pas été prévenu de l’opération, lors d’un appel téléphonique entre le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et le secrétaire d’État américain Marco Rubio qui a exprimé ses sincères condoléances pour la mort de civils suite aux dommages causés aux infrastructures ferroviaires dans les régions de Briansk et de Koursk le 1er juin. « Moscou sait parfaitement, explique Inside Over, qui se cache derrière les attaques contre ses bombardiers stratégiques : les cercles néoconservateurs-libéraux américains habituels et les dirigeants britanniques obstinés qui, malgré leur retrait de l’UE, conduisent le Vieux Continent dans ce tunnel d’horreurs ».
L’hôte des négociations, le président turc Recep Tayyip Erdogan a quant à lui proposé d’accueillir une rencontre entre le président américain Donald Trump, le chef du Kremlin Vladimir Poutine et le président ukrainien Volodymyr Zelensky à Istanbul ou à Ankara. « Mon plus grand souhait est de réunir Poutine et Zelensky à Istanbul ou à Ankara. J’aimerais aussi inviter Trump », a déclaré le président turc.
Pourtant, si pour l’instant, grâce à la patience stratégique russe, le déclenchement d’une IIIe guerre mondiale est empêchée, le monde ne peut pas compter uniquement sur la retenue moscovite, car elle aussi a ses limites…
Francesca de Villasmundo
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